Cultiver ensemble la nourriture

Nomen est omen: Dans les Selbsterntegärten de Madeleine Michel et Olivia Stafflage, des jardins en auto-récolte, les personnes qui ont conclu un abonnement récoltent elles-mêmes leurs légumes, comme dans le jardin du couvent des Bénédictines de Sarnen. Visite sur place et histoire d’une idée qui fait de plus en plus d’émules.

Que ce soit dans une ferme privée ou dans un couvent dans un village, l’emplacement central est l’un des facteurs clés du succès d’un jardin en auto-récolte selon le concept d’Olivia Stafflage et Madeleine Michel (photo ci-dessus). Photo: selbsterntegarten.ch

La saison des jardins potagers vient tout juste de commencer lorsque je rencontre Olivia Stafflage par un matin de printemps à Sarnen (OW). Il n’y a encore que peu de monde dans le jardin, et ce n’est pas seulement à cause des murs du couvent qui entourent la propriété au cœur du village. Un endroit paisible où Olivia me raconte l’histoire et l’idée des Selbsterntegärten tout en retirant le film de protection des jeunes plants pour les exposer au soleil. Olivia est l’une des initiatrices de ces jardins en auto-récolte. Elle a fait une reconversion professionnelle en agriculture en tant que paysanne. C’est sur son exploitation Summerweid au-dessus de Sarnen, qui fait partie de notre réseau de fermes, qu’a été créé en 2020 le premier jardin sur le principe de l’auto-récolte. Aujourd’hui, il existe désormais dix jardins Selbsterntegärten dans les cantons d’Obwald, de Nidwald, de Lucerne et d’Argovie.

Solidaire, biologique, participatif

Le Selbsterntegarten du couvent de Sarnen est unique et pourtant typique. «Nous recherchions un autre emplacement à Sarnen. De notre ferme, nous avons une vue sur le village, et il y a le monastère au centre. J’ai pensé que ce serait idéal, car la proximité avec les consommateurs et consommatrices est importante pour que les jardins marchent», raconte Olivia. Après un peu d’hésitation et avec un concept légèrement adapté, le jardin en auto-récolte du couvent a été lancé et entame désormais sa quatrième saison. Il est le seul site à avoir des horaires d’ouverture pour respecter la vie quotidienne du monastère. Sœur Gabriela est la personne de contact sur place, et elle travaille au potager, en échange de légumes pour la cuisine de Bénédictines.

Sans cela, le jardin du couvent fonctionne selon le concept développé par Olivia et Madeleine: les abonnés récoltent eux-mêmes directement dans le jardin des légumes bio, des fleurs et des herbes de mi-avril à mi-octobre, quand elles le souhaitent. Selon le site et la ou le responsable local, l’abonnement comprend en plus des baies, des fruits, de la viande ou des œufs. Chaque semaine, les consommateur·trices sont informés par un chat de ce qui peut être récolté et où. Les légumes mûrs sont signalés par des drapeaux ou des pancartes. «Cela fonctionne bien», raconte Olivia. «Ce que les uns laissent, les autres le récoltent.» Au printemps et à l’automne, les consommateur·trices travaillent un matin dans le jardin.

Succès et risques partagés

Les jardins Selbsterntegärten fonctionnent selon le principe de l’agriculture solidaire. Les personnes paient un abonnement de légumes à l’avance sous forme de contribution forfaitaire. Lorsque les conditions sont bonnes, il y a plus qu’assez de légumes pour tout le monde. Mais lorsque la météo est difficile ou en cas d’infestation par des nuisibles, il faut faire des concessions sur la quantité et la qualité. «Être à nouveau proche de la production des aliments, cela a un énorme effet de sensibilisation et une forte valeur didactique», souligne Olivia. Et que les personnes récoltent elles-mêmes leurs légumes dans le jardin, cela fait toute la différence. Car il en résulte de nombreuses questions et discussions directement sur place. «On avait sous-estimé cet aspect», admet Olivia. «L’échange avec les clientes et clients, c’est beau, mais cela demande aussi du temp.»

Un jardin de 600 à 1000 m2 permet de couvrir les besoins en légumes pendant la saison pour une vingtaine de familles et de personnes individuelles. C’est aussi la taille minimale nécessaire pour que l’exploitation d’un jardin Selbsterntegarten soit rentable. «Nous essayons de garder les prix aussi bas que possible afin que le plus grand nombre possible de personnes puissent s’acheter des légumes sains. En même temps, nous voulons rémunérer notre travail de manière équitable», explique Olivia. Les abonnements financent les semences et les plantons, les moyens de production et le personnel pour les travaux spécialisés. La planification des jardins, le coordination et les travaux hebdomadaires sont réalisés de manière professionnelle par les exploitants et exploitantes de chaque site.

Une idée avec du potentiel

Avec le nombre de jardins eu augmentation, l’organisaiont est également devenue plus professionelle. Olivia et Madeleine s’organisent désormais au sein d’une association et ont obtenu un soutien supplémentaire. Dans le cadre d’un système de franchise, selbsternetgarten.ch met à disposition d’autres expoitants et exploitantes le concept, les droits de marque et le corporate design contre une compensation financière. Cela comprend le soutien des jardinières professionelles pour la planification des cultures et la commande des semences et des plants. Olivia est ravie que son idée prenne racine, et elle est ouverte à la création de jardins dans d’autres cantons et sur de nouveaux sites: «Je pourrais très bien imaginer un jardin en auto-récolte sur le terrain d’une entreprise pour ses employés, ou dans une coopérative d’habitation.»

Dans la tradition des jardins communautaires

Les jardins en auto-récolte Selbsterntegärten s’inscrivent dans la tradition des jardins communautaires apparus au 19e siècle en réponse aux défis sociaux posés par l’industrialisation et l’urbanisation. Ils ont beaucoup évolué depuis: des jardins potagers pour les démunis aux surfaces d’autosubsistance en temps de crise, ils ont perdu de leur importance à partir des années 1950 avec l’essor des supermarchés, puis sont devenus des lieux de rencontre urbains et plein de diversité. À partir des années 1970, ils ont connu un boom, notamment dans des villes comme New York où ils ont été créés par des initiatives citoyennes en réponse à des problèmes sociaux et écologiques. Aujourd’hui, elles sont des oasis de verdure, des lieux d’intégration et d’éducation qui ont un rôle important dans la promotion de systèmes alimentaires locaux et durables dans les zones urbaines et au-delà.

  • Cet article est paru dans le numéro 2/2025 d'Agricultura. Auteure : Annemarie Raemy

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