Aide alimentaire liée à la production locale en Californie

En Californie, plus de 15 % de la population sont en situation d’insécurité alimentaire. Plusieurs programmes et initiatives de différents acteurs publics et privés existent pour permettre à des personnes en situation précaire de mieux se nourrir tout en aidant les petits paysans à écouler leur production.

Le marché Heart of the City Farmers est la seule possibilité d’approvisionnement de ce quartier défavorisé au centre de San Francisco.

La région de la baie de San Francisco, ou Bay Area, abrite près de 8 millions d’habitants. C’est l’une des régions les plus riches des États-Unis. Et pourtant, près de la moitié des personnes résidant dans cette région ont des revenus faibles à très faibles. Le Département californien de l’alimentation et de l’agriculture gère l’Office of Farm to Fork (bureau de la fourche à la fourchette) pour favoriser l’accès de tous les Californiens et Californiennes à des aliments sains et nutritifs produits en Californie. Un canal de vente directe passe par les marchés de fermes locales, ces derniers jouant un rôle important dans le système alimentaire californien.

Sécurité alimentaire des personnes défavorisées

Le programme CalFresh fournit des prestations alimentaires aux personnes et aux familles à faible revenu de Californie tout en apportant des avantages économiques aux communautés, sous forme d’argent versé sur une carte utilisable comme une carte bancaire. Il n’est pas possible d’utiliser CalFresh pour acheter en magasin des aliments prêts-à-consommer ou à réchauffer ni des produits non alimentaires tels que de la nourriture pour animaux, des articles ménagers ou des vitamines. De plus, les personnes de plus de 60 ans, en situation de handicap ou sans abri peuvent acheter des repas dans certains restaurants (Restaurant meals program). Le Département de l’agriculture approuve les magasins de ce programme, qui doivent proposer une grande diversité d’aliments de base, incluant des denrées périssables : marchés, épiceries, coopératives de producteurs ou certains sites d’achat en ligne pour des livraisons à domicile.

Le consortium californien Market Match, financé en partie par le Département californien de l’alimentation et de l’agriculture et en partenariat avec l’Ecology Center, double le pouvoir d’achat des bénéficiaires de CalFresh en leur distribuant des jetons et des bons échangeables uniquement contre des fruits et des légumes frais et non transformés, renforçant le système alimentaire local. Ses marchés sont également associés à un programme de nutrition à base de de produits paysans pour les femmes, enfants et nourrissons (Women, Infants and Children – Farmers Market Nutrition Program) qui aide les mères à faible revenus à sélectionner, stocker et préparer des produits frais achetés avec des bons utilisables uniquement auprès de familles paysannes locales, de marchés ou de stands en bord de route.

« We grow what we sell »

Deux fois par semaine et durant toute l’année se déroule le marché Heart of the City Farmers’ Market depuis 1981. Ce marché indépendant à but non lucratif est géré par des agricultrices et agriculteurs. Ici pas de chichi, la plupart des stands n’ont que le nom de la ferme sur des pancartes ou des banderoles « California grown » ou « Certified Organic » pour attirer la clientèle. Mais les acheteurs sont là. Ils vivent dans ce coin de la ville plutôt défavorisé, dans lequel on ne trouve pas de supermarché, et sont issus de différentes couches de population. « Notre programme d’accès à la nourriture nous distingue des autres marchés. Il est de loin le plus important de Californie et l’un des plus importants du pays », déclare Steve Pulliam, directeur de ce marché regroupant une quarantaine de producteur·trices. Ce programme complète le budget pour l’achat d’aliments essentiels à la santé et au bien-être. Il aide les personnes les plus exposées à l’insécurité alimentaire. Les bénéficiaires peuvent acheter des produits alimentaires ainsi que des semences et des plantes à cultiver pour nourrir leur famille.

Ces programmes sont un moyen gagnant-gagnant d’aider des personnes en difficulté financière dans ce qui touche à leur assiette et leur santé, tout en soutenant la production agricole locale. Malheureusement, ce type d’initiatives sont dépendantes de bonnes volontés politiques. Le Département fédéral américain vient d’annoncer par exemple la fin du financement du programme Local Food for Schools qui permettait depuis quelques années aux écoles de se procurer des produits frais provenant de petites fermes locales pour les repas scolaires, représentant plus d’un milliard de dollars de contrats pour de petites exploitations, éleveurs et pêcheurs. Une perte pour le bien-être collectif.

 

 

Caisse alimentaire et nouvelle monnaie en Suisse

En 2023, 67 % des votant·es de Genève ont dit oui à l’inscription du droit à l’alimentation dans la Constitution genevoise, une première en Suisse. Cela consacre le droit de toute personne d’avoir accès à une alimentation adéquate, produite de façon durable et équitable et qui remplit les besoins physiologiques, sociaux et culturels. Un projet de loi cantonale est en cours d’élaboration.

Plusieurs organisations de la société civile sont déjà en train de concevoir un projet pilote concret de démocratie alimentaire, soutenu par les communes de Genève et de Meyrin : la Caisse genevoise de l’alimentation (Calim). Deux comités citoyens de ces communes réfléchissent à une gouvernance citoyenne pour relocaliser des filières alimentaires dans les quartiers et recréer du lien entre les mangeur·ses et les paysan·nes. L’idée est une allocation mensuelle dédiée aux produits alimentaires qui couvrirait environ la moitié du budget alimentaire d’une personne à Genève. Les membres de la caisse paieraient une cotisation définie sur la base de différents critères, p. ex. le revenu disponible, le budget alimentaire ou des questions permettant d’exprimer les limites qui régissent nos choix alimentaires. Un budget collectif et solidaire serait ainsi créé. Ces allocations ne pourraient être dépensées que dans des structures locales conventionnées adhérant à une charte (p. ex. épiceries, marchés, paniers en abonnement, restaurants). Il s’agit d’instaurer un système alimentaire plus juste de la fourche à la fourchette, aussi pour les personnes en difficulté financière, où les décisions sont prises collectivement et démocratiquement.

Une autre initiative écoresponsable en Suisse romande est la création d’une nouvelle monnaie locale complémentaire : le Franc Paysan. L’association a lancé cette monnaie en septembre 2024 et veut dynamiser les circuits courts de produits agricoles locaux pour se réapproprier le système alimentaire. Les consommateur·trices, mais aussi des entreprises locales et des collectivités, soutiennent ainsi les producteur·trices de la région en améliorant leur alimentation et réduisant leur empreinte écologique.

  • Cet article est paru dans le numéro 2/2025 d'Agricultura. Auteure : Anne Berger

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