Depuis de nombreuses années, l’Union suisse des paysans se livre à un jeu pour embrouiller le public. En janvier, elle déplore lors de sa conférence de presse le faible revenu moyen dans l’agriculture et encourage ainsi les défilés de tracteurs et les protestations. Mais tout au long de l’année, le lobby agricole combat politiquement tout ce qui pourrait améliorer la situation des exploitations qui tirent le revenu moyen vers le bas.
L’élément décisif pour améliorer la situation réside dans les paiements directs de la Confédération, pour lesquels 2,7 milliards de francs de fonds publics sont dépensés chaque année. Cela représente plus de 50 000 francs en moyenne par exploitation et par an! Aujourd’hui, les paiements directs sont répartis de manière linéaire en fonction de la taille des surfaces. Les petites exploitations reçoivent peu, les grandes trop. Les très grandes peuvent recevoir plusieurs centaines de milliers de francs par an. Moins les exploitations réussissent à survivre, plus les paiements sont importants. On surinvestit, notamment pour économiser l’impôt sur le revenu. Il en résulte une surmécanisation et une hausse des prix pour chaque hectare de terres arables et de prairie qui se libère.
Inégalités sociales
Lors de l’introduction des paiements directs en 2000, des limites de revenu et de fortune ainsi qu’un plafond par exploitation et par an ont empêché les inégalités sociales et donc le gaspillage de l’argent de la Confédération. Ces conditions-cadres avaient été imposées par l’Association des petits paysans par le biais d’initiatives populaires et de référendums avec l’aide de la population. Mais le Parlement, dominé par les partis bourgeois, a progressivement libéralisé le système au cours des quinze dernières années, sous la férule de l’Union suisse des paysans. L’Union suisse des paysans, qui se plaint des prix trop bas des denrées alimentaires, lutte tout aussi systématiquement et en alliance avec les associations économiques, contre le renforcement du pouvoir d’achat des consommateur·trices. Cela a été flagrant lors de la campagne contre la 13e AVS. Lors de cette votation, il est apparu que de nombreuses familles paysannes, confrontées à des problèmes existentiels, n’ont pas suivi le mot d’ordre de l’Union suisse des paysans.
Une arnaque paysanne rusée
Les 18 francs de salaire horaire utilisés comme indicateur de la prétendue pauvreté sont une sorte d’arnaque rusée de l’Union suisse des paysans. Si l’on considère le revenu disponible, les différences entre les agriculteurs et le reste de la population sont beaucoup moins importantes. Le revenu disponible est la partie du revenu qui reste à disposition après déduction des dépenses inévitables d’un ménage pour les impôts, les assurances, le logement et la nourriture. Les paysans déclarent leurs impôts en tant qu’indépendants, la partie de la maison est comptée dans l’exploitation agricole. Si l’on ajoute à cela les possibilités d’auto-approvisionnement, les familles paysannes ont beaucoup moins de dépenses inévitables, ce qui permet de compenser en grande partie le manque à gagner.
L’Union suisse des paysans profite de la bonne volonté de la population envers les petites et moyennes exploitations agricoles. Les lamentations annuelles autour de la pauvreté font partie de l’embrouillamini malhonnête du lobby agricole, qu’il convient de mettre à jour. La réintroduction de plafonds pour les paiements directs et l’augmentation des paiements aux petites et moyennes exploitations qui en découle, seraient le premier pas vers une amélioration de la situation.
Herbert Karch, ancien directeur de l’Association des petits paysans