Keyline Design: Complexe mais prometteur

Le changement climatique nécessite des adaptations. Une méthode de gestion de l’eau de pluie peu répandue jusqu’ici est le Keyline design qui s’avère être efficace – comme le montre l’exemple de Meilen sur la Goldküste zurichoise.

La ferme Katzhof, comme la ferme Aebleten, est l’une des fermes innovantes du projet de coaching. Source: NaturGut Katzhof

La ferme Aebleten est située sur un plateau surplombant Meilen, offrant une vue magnifique sur le lac et les montagnes. Depuis des générations, la famille de Lukas van Puijenbroek gère la terre appartenant à l’ensemble classé monument historique, désormais dans le cadre du projet communautaire «Minga vo Meile». Agriculteur bio diplômé, Lukas travaille selon les principes de la permaculture.

Diriger l’eau

La famille a subi il y a quelques années de fortes pluies qui ont laissé des traces: les sols étaient tellement détrempés qu’ils ne pouvaient plus absorber l’eau. Les flots ont balayé les cultures, emportant les plantes et la terre. Pour faire face aux futurs événements météorologiques extrêmes, les van Puijenbroek ont mis en oeuvre diverses mesures de rétention d’eau ces dernières années. Parmi celles-ci figure le premier système d’agroforesterie en Keyline design de Suisse, situé à environ un kilomètre au-dessus de la ferme dans la région du Binzacher.

 

Keyline-Design

La méthode a été développée au milieu du siècle dernier par l’Australien P. A. Yeomans. Elle consiste à creuser, sur un terrain (légèrement) en pente des fossés parallèles (swales) en suivant les courbes de niveau. Ces fossés recueillent l’eau de pluie et favorisent l’infiltration, empêchant l’érosion. L’eau se répartit dans la pente, apportant un équilibre hydrique. La méthode crée des systèmes de production durables et résilients.

 

Le Keyline design, ou conception en lignes clés, est caractérisé par les bandes latérales constituées de fossés, appelés swales en permaculture (voir encadré au-dessus). Dans l’agroforesterie de Meilen, sur des bandes herbeuses de quatre mètres de large, poussent des arbres dans trois combinaisons différentes: noisetier / chêne, noyer / aulne et amandier / pacanier. Entre les bandes herbeuses et arborisées se trouvent des bandes arables exploitées par un paysan bio d’une commune voisine. Les arbres jouent un rôle important dans le système. D’une part, ils drainent le sous-sol avec leurs racines, facilitant ainsi l’infiltration. D’autre part, ils améliorent le microclimat grâce à l’évaporation, à l’ombre et à la protection contre le vent.

Lukas estime complexe la mise en place d’un système en keylines: une analyse exacte du site et une planification précise sont indispensables. Il est très important de savoir d’où vient l’eau et où elle coule. De plus, on doit pouvoir contrôler l’eau. Pour cette raison, une conduite enterrée à 80 cm de profondeur relie tous les fossés et, au besoin, dirige l’eau vers le bas dans un fossé de rétention avec de petits bassins pour les amphibiens. L’eau superflue s’écoule dans le ruisseau forestier voisin.

Katharina Nüesch
L’aménagement de keylines permet autant d’améliorer l’infiltration de l’eau que de ralentir le ruissellement et éviter l’érosion. Source: Katharina Nüesch

Souris et chasseurs de souris

L’agroforesterie permet d’utiliser la même surface tant pour la production que pour la biodiversité. Au Binzacher, elle remplit les critères «arbres et prairies extensives» du niveau de qualité 2 (Q2), éligible pour les paiements directs de la Confédération. Lukas reçoit également des contributions pour la mise en réseau. Le niveau de qualité 2 (Q2) dans l’agriculture désigne les surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) présentant une haute qualité écologique ou de précieuses structures pour la biodiversité. Les bandes herbeuses ne peuvent être fauchées qu’à partir du 15 septembre. «Nous pourrions utiliser des machines, mais nous le faisons manuellement. Les sociétaires fauchent très volontiers», raconte Lukas. Jusqu’ici le foin est conservé sur place, car les tas servent de petites structures, où vivent notamment des souris. Lukas en est convaincu: «La peur des souris est justifiée, les rongeurs causent des dégâts et des pertes, malgré les grilles autour des mottes. Mais en présence de petites structures et de biodiversité, l’hermine n’est jamais très loin.» Lukas aperçoit régulièrement ces adorables petits animaux, redoutables chasseurs de souris.

Gaspillage du sol ?

Un ami de Lukas lui a demandé: «À quoi servent ces bandes herbeuses ? C’est pourtant la meilleure terre arable!» On peut effectivement se poser la question, dit Lukas. Mais lorsqu’il voit les avantages de cette méthode, il en est convaincu: «Nous avons besoin de visions – nous devons repenser l’agriculture!» Bien entendu, Lukas souhaite aussi rentabiliser ses cultures, mais cela n’exclut pas l’introduction de la biodiversité. L’agroforesterie sera productive d’ici environ dix ans, sous déduction de la charge de travail – actuellement 200 heures en tout pour l’entretien des arbres et le fauchage. L’agroforesterie est encore dans la phase initiale, où des erreurs se produisent aussi. Lukas avait par exemple sous-estimé le fait que les chevreuils grattent l’écorce des arbres, causant ainsi des dégâts. Même les épines des rosiers plantés pour les protéger ne les ont pas dissuadés. Il a donc fini par clôturer les arbres.

La gestion de l’eau est pensée de manière globale sur la ferme Aebleten, de la récupération de l’eau des toits à l’étang de stockage ou l’utilité pour la biodiversité. Source: Katharina Nüesch

Le toit alimente l’étang

De retour à la ferme. Ici aussi, des mesures de rétention d’eau ont été mises en place. Le bassin de rétention sert aujourd’hui de réservoir intermédiaire pour l’eau de pluie de la grange (250 m2). Grâce à la pression générée dans le tuyau de descente, l’eau remonte sur 80 mètres jusqu’au bassin de rétention. Celui-ci a l’aspect d’un bel étang. Ici poussent des joncs, des silènes fleurs de coucou ou des salicaires communes, des plantes qui s’adaptent à des conditions d’humidité variables, le bassin pouvant se dessécher complètement. Les grenouilles, qui étaient encore des têtards au printemps, ont depuis longtemps migré vers leur habitat estival, si elles n’ont pas été dévorées par un héron cendré ou une cigogne. Le bassin de rétention a été étanchéifié sans film, uniquement avec de la chaux de stabilisation – ce procédé consiste à mélanger et à compacter la chaux brûlée avec le matériel du sol. La conduite, remplie d’eau en permanence, présente plusieurs raccords pour tuyaux. Au besoin, cela permet d’irriguer les cultures qui sont normalement alimentées en eau de citerne. Un arrosage supplémentaire est toutefois rarement nécessaire. Car les cultures de légumes, de baies et de fruits sont aussi traversées par deux fossés, qui recueillent l’eau de surface et la redistribuent aux plantes.

 

NaturGut Katzhof, Richenthal

Sur le domaine lucernois de la ferme Katzhof, les keylines caractérisent désormais le paysage. Markus Schwegler, ancien membre du comité de l’Association des petits paysans, a suivi l’évolution de la ferme Aebleten. Les deux exploitants sont amis et l’échange entre pairs est crucial. Lors d’une visite à Meilen, il a rencontré Philipp Gerhardt, spécialiste du Keyline design. Avec lui, il a planifié dès 2021 un système pour son exploitation de 15 hectares pour des céréales, des légumes et ses vaches-mères. Après deux ans de construction, il a été finalisé ce printemps. Le nouveau système de rétention comprend 1,5 kilomètre de fossés d’une capacité totale d’environ 600 mètres cubes. Jusqu’ici, le système a été testé à deux reprises: les fossés se sont remplis jusqu’au bord, mais l’eau n’a pas débordé, se souvient Markus Schwegler. Pour lui, il s’agit seulement des premières observations – un cycle hydrologique requiert une réflexion à long terme. Et des schémas de pensée nouveaux sont nécessaires, non seulement du point de vue écologique, mais également économique: «Avec le cycle hydrologique, tu ne peux pas penser en résultats trimestriels. La perspective est bien plus longue et une vision à long terme est nécessaire.»

La méthode a-t-elle aussi un avenir dans l’agriculture conventionnelle ? «Lorsque la prairie est brune en été, on se pose naturellement des questions.» Il y voit donc une ouverture, même si la conception en keylines est encore un thème de niche. Markus Schwegler estime que le projet «Slow Water», lancé par le Centre d’Ebenrain pour l’agriculture, la nature et l’alimentation et qui se positionne au-delà des labels, a du potentiel. «Il ne doit pas s’agir absolument de keylines: il y a tellement de possibilités de durabilité en agriculture – cultures à petite échelle, diversité des espèces, travail ménageant le sol, etc. – qui, à première vue, n’ont pas grand-chose à voir avec l’eau, mais qui font partie d’un système global.»

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