L’agriculture régénérative en mosaïque : c’est ainsi que SlowGrow de Mönchaltdorf (ZH) appelle sa méthode de culture. L’expérience pratique, l’intuition, la créativité et l’innovation sont combinées de manière prometteuse. Cela prouve que les principes agroécologiques peuvent être parfaitement mis en œuvre également en Suisse.


La couche d’humus constitue la base autour de laquelle tout tourne. Car sans un sol sain et vivant, cela ne marche pas à long terme. Samuel Bähler, Petrissa Eckle et Matthias Hollenstein, les têtes pensantes de SlowGrow, en sont convaincus. Leur devise : « Après la récolte de nos cultures, le sol est en meilleur état qu’avant le semis. » Juste après la couche d’humus vient la diversité en espèces. Un hectare de champ rassemble à SlowGrow une cinquantaine de planches différentes sur lesquelles poussent des cultures en mosaïque de légumes, céréales, engrais verts, bandes fleuries ou cultures vivaces. Cela favorise l’interaction mutuelle entre les cultures voisines, leurs substances messagères, des micro-organismes, des réseaux fongiques et des populations d’insectes. Les surfaces écologiques ne sont pas séparées des terres cultivées, mais sont combinées : la biodiversité est un facteur de production fondamental.
« Notre pays devra à l’avenir produire des aliments, mais aussi protéger l’eau potable, favoriser la biodiversité et offrir un beau paysage », explique Matthias, qui a une formation en agriculture biodynamique. Tout s’imbrique sur les quelques 20 hectares dont il a la charge : la multifonctionnalité pour un système de culture résilient. L’homme n’est pas oublié : travailler dans les champs doit être un plaisir. Les apprentis jouent un rôle important dans l’innovation participative à la ferme. Les nombreuses personnes qui aident sur place échangent leur temps contre des légumes et contribuent aussi à cette expérimentation. Il en va de même pour les cuisiniers qui se sont intéressés aux produits de SlowGrow dès le début et ont ainsi assuré leur écoulement. Ensemble, ils préservent et augmentent la fertilité du sol et la biodiversité pour les générations futures.

Ce qu’il y a de mieux
SlowGrow associe avec un esprit frais et ouvert tout ce dont leur exploitation a besoin. Le meilleur de différentes pratiques agricoles est combiné. Avec un mélange de permaculture, d’agriculture biologique et régénérative, mais aussi de toutes nouvelles approches, un nouveau système agricole est créé : avec une utilisation diversifiée de paillis, un travail du sol superficiel et un ameublissement en profondeur, des cultures maraîchères sans labour, des cultures mixtes en planches, le tout presque entièrement sans irrigation et sans engrais facilement solubles. L’utilisation de technologie moderne est également une évidence. Les surfaces ont été cartographiées et divisées avec un système d’information géoréférée. Le tracteur guidé par GPS se déplace avec une précision de deux centimètres sur des sillons fixes. Les planches sont des zones non parcourues entre les pneus du tracteur.
À l’avenir, ils aimeraient disposer d’un logiciel qui aide à optimiser les processus, déterminer les cultures associées et organiser le travail. C’est la tâche du « HofLabor » (labo d’innovation) de le développer : c’est une plateforme d’innovation pour faire progresser la vision avec un réseau grandissant d’autres agriculteurs et agricultrices et d’entreprises. Pour une planification idéale de nombreuses cultures différentes, Petrissa et Matthias travaillent à la numérisation du paysage en mosaïque. Le projet doit ainsi être évolutif dans le but de pouvoir gérer de manière écologique également de grandes surfaces. « Nous travaillons à un outil de gestion. Car la complexité de ce système est telle que le soutien de la numérisation est nécessaire », déclare Petrissa.
Reprendre la main sur l’innovation
Ce travail de pionnier a été récompensé et reconnu par le Prix Climat 2022. Mais cela n’a pas été et n’est toujours pas simple. Avec beaucoup de chance, ils ont trouvé de la terre et une grange, mais sans maison d’habitation ni statut d’entreprise. Pour le développement et la mise en œuvre de leurs projets visionnaires, le bail à ferme constitue aujourd’hui une situation encore trop incertaine. Ils continuent de chercher un ferme à reprendre. Ils voient également d’un œil critique l’attention des médias dont ils font l’objet. Ils sont naturellement heureux qu’on parle de leur approche ou que des collègues leur demandent conseil. Mais il n’ont que peu de temps à disposition et ils ne peuvent plus répondre à toutes les sollicitations depuis longtemps. « Actuellement, les fonds d’encouragement pour l’innovation en agriculture ne vont pas aux agriculteurs innovants », déclare Matthias. Il espère que cela va changer car c’est eux qui en auraient besoin. Au cours des huit dernières années, SlowGrow a consacré environ un tiers de ses investissements à la recherche et au développement.
« Avec le projet Hoflabor, nous réussissons désormais à couvrir une partie des coûts avec des ressources financières de fondations et nous avançons maintenant nettement plus vite dans notre développement », explique Matthias. « Nous, paysannes et paysans, devons apprendre à retrouver des solutions par nous-mêmes. » SlowGrow montre comment.
Cet article est paru dans le numéro 2/2022 d’Agricultura. Auteure : Annemarie Raemy
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