Que signifient des prix équitables ?

Il n’est pas possible de répondre de manière générale à la question de savoir ce qu’est un prix équitable pour l’ensemble des producteurs. Mais l’objectif devrait être de fixer des prix calculés en fonction des coûts pour une production, une transformation et un commerce efficients et durables. Il existe quelques approches pour y parvenir.

Il est plus facile d’obtenir des prix équitables avec la transformation à la ferme ou une bonne collaboration avec des acteurs locaux.

Ai­je payé suffisamment pour mon achat ? Généralement, on ne se pose pas cette question, mais on se demande plutôt si l’on n’a pas trop payé. Dans le fond, la situation est assez simple : on prend les coûts de fabrication globaux, on y ajoute une part de bénéfice et on essaie de vendre le produit au prix correspondant. La demande détermine si le produit peut être vendu à ce prix et quel peut être le bénéfice. La situation initiale pour les denrées alimentaires et produits agricoles est toutefois beaucoup plus complexe : ainsi, les exploitations agricoles ne sont que partielle­ ment rémunérées par le prix des produits. Un mode de produc­ tion particulièrement écologique, l’entretien du paysage rural ou la sécurité de l’approvisionnement sont indemnisés par le biais de paiements directs. En outre, la Confédération accorde des ai­ des financières pour les investissements. De plus, la protection douanière exerce une influence déterminante sur la demande de produits indigènes. Si vous pensez que tous ces soutiens et toutes ces interventions de l’État ne profitent qu’aux agricul­ teur·trices, vous faites erreur.

Profits pour tout un secteur

Les fournisseurs, les transformateurs et les commerces profitent tout autant de l’argent de l’État que les producteur·trices. C’est comme un accord tacite : les importantes subventions à l’agri­ culture bénéficient d’un large soutien, notamment parce que chacun prend sa part du gâteau. Consommateur·trices inclus, car sans ce soutien à l’agriculture, le choix se restreindrait entre des produits étrangers bon marché et quelques produits suisses coûteux. Mais savoir qui prend combien, la question est débat­ tue de longue date et prend une nouvelle dimension avec les manifestations paysannes.

En plus des fonds publics et des restrictions douanières, des prix indicatifs de la branche aident à définir les prix. S’il y a suffisam­ ment ou trop de produits, ces prix indicatifs sont toutefois vite obsolètes. La clientèle met alors à profit son pouvoir de marché. Prenons l’exemple des fruits : soit la récolte est abondante et les prix baissent, soit les quantités sont faibles et font monter les prix, mais les agriculteur·trices gagnent encore trop peu car le volume de récolte est bas.

L’association Marchés Équitables Suisse MÉS s’engage depuis peu pour des marchés équitables et plus de transparence. MÉS se concentre sur les comportements abusifs des puissantes entre­ prises sur le marché. En Suisse, ce pouvoir de marché est surtout détenu par les deux géants orange Migros et Coop, suivis de la coopérative paysanne Fenaco.

Des prix calculés en fonction de coûts

Alors que les producteur·trices reçoivent souvent un prix trop bas pour leur travail, les consommateur·trices paient malgré tout pro­prortionnellement trop cher pour certains produits. Le moniteur des prix de Marchés Équitables Suisse montre les rapports entre les prix à la production et les prix à la consommation.

L’exploration des marges fait partie du jeu actuel de l’économie de marché. Cependant, selon le constat de MÉS, le fait que les mar­ ges de la grande distribution sont aujourd’hui en partie exces­ sives pour les produits issus de méthodes particulièrement éco­ logiques et respectueuses des animaux pose un problème. Ce en comparaison aux bas prix des produits conventionnels de même catégorie. Fixer ainsi les prix augmente le recours aux produits conventionnels, créant une incitation inopportune. Tout aussi pro­ blématique : la confiance des consommateur·trices, qui pensent soutenir une agriculture plus écologique en choisissant un pro­ duit labellisé, s’envole. MÉS souhaite que les prix soient calculés en fonction de coûts et non en adéquation avec le pouvoir d’achat, et prône donc une concurrence loyale. Pour en savoir plus sur MÉS et son selfcheck pour les agriculteur·trices, voir l’encadré.

Transparence et vérité des coûts

Qu’est­ce que cela signifie dans la pratique ? Ce qui est sûr, c’est que les paysan·nes devraient davantage se pencher sur les prix et sur leur propre structure des coûts. Un prix peut être intéres­ sant pour une exploitation mais ne pas fonctionner pour une autre, notamment si des investissements plus conséquents ont été réalisés. Généralement, la vente directe ou la transformation à la ferme atténuent la pression sur les prix, mais engendrent aussi une grande charge de travail supplémentaire.

Pour les produits destinés au commerce de gros, les associations de producteurs et les organisations professionnelles jouent un rôle important. Un pouvoir de marché en partie unilatéral se ma­ nifeste également au sein des interprofessions dans lesquelles les producteur·trices ne peuvent pas suffisamment faire valoir leurs intérêts. Pourtant l’intention est bonne de réunir autour d’une table producteur·trices, transformateurs et distributeurs afin de fixer ensemble les prix et les accords d’achat. Une plus grande transparence, non seulement comme auparavant sur la produc­ tion, mais également sur les coûts tout au long de la chaîne de création de valeur, peut être décisive pour convaincre les con­sommateurs·trices de choisir les produits correspondants. Mal­ heureusement, la grande distribution ne voit pas cela comme une opportunité.

La divulgation des parts des coûts est un premier pas vers la vé­ rité des coûts. Une mise en œuvre de la vérité des coûts implique que les produits qui sont bons pour l’environnement et la santé devraient être moins chers pour les consommateurs·trices. Et ce­ la parce que ces produits représentent les coûts totaux les plus faibles pour la société. Les produits labellisés peu transformés peuvent présenter un avantage décisif et seraient ainsi plus at­ trayants en termes de prix. De plus, en tenant compte d’aspects liés à la santé, les produits particulièrement sains deviendraient proportionnellement plus avantageux, sans pour autant res­ treindre la liberté de choix des consommateurs·trices. Ces calculs ne sont pas simples et la méthodologie en est encore au stade de l’élaboration scientifique. De nombreuses discussions seront encore nécessaires, mais les premières étapes comme une plus grande transparence ou l’élimination d’incitations inopportunes peuvent être mises en œuvre dès aujourd’hui.

 

  • Cet article est paru dans le numéro 2/2024 d’Agricultura. Auteure : Barbara Küttel

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