«Je ne viens pas du milieu du développement durable»

Le Regio Challenge aura lieu pour la troisième fois en 2021. Comme l’an passé, des restaurants vont participer à cette action. L’idée: durant la semaine d’action, ils proposent un menu concocté seulement à partir d’ingrédients régionaux. Mirko Buri, le chef cuisinier et pionnier du foodsave de Köniz (BE), sera une fois encore de la partie.

Chef cuisinier contre le gaspillage alimentaire : Mirko Buri.

Depuis 2013, Mirko Buri s’engage dans la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration et il est aujourd’hui l’un des chefs cuisiniers anti-gaspillage le plus connu de Suisse. Sa façon de travailler cadre parfaitement avec les conditions du Regio Challenge. Les produits de son restaurant foodsave «Mein Küchenchef» à Köniz (BE) proviennent tous d’exploitations agricoles des environs. Il s’agit de surplus de denrées alimentaires que les paysans ne peuvent pas commercialiser à travers d’autres canaux, par exemple en raison de critères esthétiques de qualité. Avec cette approche, il montre au secteur de la restauration qu’il est possible de cuisiner de manière durable, régionale et respectueuse des ressources sans compromis sur la qualité.

Pendant longtemps, rien ne laissait présager que Mirko Buri emprunterait cette voie et mettrait le thème du gaspillage alimentaire au centre de son travail. Après un apprentissage de spécialiste en restauration au Krone à Bätterkinden, un établissement avec 17 points au Gault et Millau, il fait un apprentissage de cuisinier au Landhaus de Liebefeld. Il passe ensuite au SV-service dans la chaîne de restauration, il participe à des concours de cuisine et il devient membre du Cercle des Chefs de Cuisine de Berne. Après un engagement au Palace à Gstaad et une année à Hawaï avec un aperçu passionnant de la culture culinaire des îles du Pacifique, il dirige la cuisine d’un hôtel quatre étoiles à Interlaken. Il suit ainsi une carrière dans la haute gastronomie française traditionnelle.

Un film qui change la donne

En 2012, Mirko Buri voit le film «Taste the Waste» sur le gaspillage alimentaire. Cela change son approche. Le chef cuisinier et coach à succès donnait alors souvent des conférences sur des sujets culinaires. Alors pourquoi ne pas se concentrer sur le sujet du gaspillage alimentaire et la gestion des denrées alimentaires? Car il y a justement dans la restauration une énorme nécessité d’agir et la provenance des produits ne joue souvent qu’un rôle secondaire. D’autres valeurs sont au cœur de «Mein Küchenchef»: Mirko Buri collabore avec plus de 40 exploitations agricoles de la région. Ces dernières s’annoncent et lui proposent leurs surplus. Important: Mirko Buri et son équipe ne prennent que les «déchets», c’est-à-dire la partie de la production qui ne pourrait pas être vendue autrement.

Pour éviter le gaspillage alimentaire, Mirko Buri mise sur la relation directe avec les producteurs et des trajets de livraison les plus courts possibles. Il s’est ainsi construit ces dernières années un grand réseau de fournisseurs auprès desquels il peut se procurer ses produits. Pour Mirko Buri et son équipe, la création de circuits régionaux est une priorité. Par exemple, la salade vient souvent des surplus de l’exploitation horticole de l’Armée du salut située juste en face. Pour Mirko Buri, il est clair que ce ne sont pas des fraises espagnoles ou d’autres produits d’importation qu’il sauvera de la détérioration. Car des produits seraient alors déclarés au producteur comme vendus. Il vaut mieux se passer complètement de ces produits importés. La proximité avec les producteurs et les relations personnelles, qui sont si importantes dans son travail, ne seraient pas possible à longue distance.

Les structures, ou plutôt la taille des exploitations, jouent également un rôle important dans l’apparition de gaspillage alimentaire: sur les petites fermes diversifiées, le gaspillage alimentaire survient bien plus rarement que sur les grandes exploitations spécialisées, sur lesquelles sont produites simultanément de bien plus grandes quantités d’un même produit. Les contacts vont au-delà de la simple livraison de produits: les stagiaires de «Mein Küchenchef» ont un aperçu de la production dans les exploitations partenaires et parfois l’équipe et le chef donnent aussi un coup de main pour la récolte quand un soutien urgent est nécessaire.

Un stimulus de plus avec le Regio Challenge

Sauver ce que les producteurs ne pourraient pas vendre.

Pour Mirko Buri, le Regio Challenge amène également de la valeur dans l’établissement de relations. Avec sa manière de travailler, le Regio Challenge est facile à mettre en œuvre. Pourtant de telles actions représentent toujours l’occasion de découvrir des nouveaux produits qu’on n’apprend à connaître qu’en se penchant intensément sur l’élaboration d’un certain menu. Mirko Buri voit surtout dans le Regio Challenge un grand potentiel de sensibilisation. D’une part du côté de consommatrices et consommateurs que l’on peut rendre plus conscients de tout ce qui est à disposition aux alentours, par exemple qu’il est possible d’acheter du lait sans problème directement à la ferme dans un distributeur automatique de lait. D’autre part, l’action envoie également un signal à la restauration. On constate une tendance à plus privilégier les produits locaux et de la région.

Il est devenu plus important de pouvoir raconter aux clients d’où viennent les produits. Pourtant, jusqu’à présent on ne fait qu’effleurer la surface si seulement de temps un temps un produit régional est utilisé mais que de grandes quantités continuent d’être achetées par les canaux conventionnels. Les clients peuvent aussi facilement être trompés: par exemple quand est servi un menu avec du bœuf de Simmental accompagné de légumes d’Espagne, et que souvent c’est l’impression d’une offre régionale qui reste.Cependant, Mirko Buri ne considère pas que la restauration est la seule responsable. Pour les producteurs et productrices, il est souvent plus facile de vendre l’entier de la récolte par un même canal de distribution. À cet égard, la restauration et l’agriculture sont très semblables: l’utilisation de canaux déjà existants semble souvent plus efficace que de faire l’effort de soigner les contacts directs.

Comment promouvoir davantage la création de tels liens entre l’agriculture et la restauration? Pour Mirko Buri, la distance entre les deux secteurs est encore trop grande. Il imagine déjà une liste de producteurs et une «carte des aliments» à partir de laquelle les restaurateurs pourraient trouver quelles exploitations de leur région propose quels produits. La recherche systématique des exploitations alentours, comme il l’a fait lui-même, n’est pas à la portée de tous. À partir de l’élan initial pour lutter contre le gaspillage alimentaire dans la restauration, Mirko Buri a développé un nouveau concept dans lequel le contact direct entre les producteurs·trices, le secteur de la restauration et les consommateurs·trices, est un facteur décisif: pour ainsi dire un Regio Challenge permanent!

 

Regio Challenge: mange ce qui pousse au détour du chemin!

Pour la troisième fois déjà, L’Association des petits paysans lance le «Regio Challenge» du 20 au 26 septembre 2021. L’idée est simple: durant toute une semaine, ne manger et ne boire que ce qui a été produit à distance d’un tour à vélo (30 km). Avec cette semaine d’action dans toute la Suisse, l’Association des petits paysans veut sensibiliser à une consommation durable, régionale et de saison.
Celui qui participe se rendra compte du challenge: la semaine est un véritable défi! Pour autant, l’idée n’est pas de se priver mais de profiter d’une alimentation savoureuse, saine et créative. Nous allons sûrement découvrir des recettes et embrasser de nouvelles perspectives avec ce qui pousse autour de nous… ou justement qui ne pousse pas. Participez à la semaine d’action et découvrez la diversité culinaire de votre région!

Plus d’informations: www.petitspaysans.ch/regiochallenge

 

  • Cet article est paru dans le numéro 3/2021 d’Agricultura. Auteur: Stephan Tschirren

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