La deuxième semaine de septembre a été consacrée à la semaine d’action Regio Challenge, que l’Association des petits paysans a organisée pour la première fois en Suisse. Pendant une semaine, les participants étaient appelés à ne manger et boire que ce qui est intégralement produit à distance de vélo (30 km). Découvrez ici une revue des expériences des participants et certains arguments de la table ronde organisée au début du Regio Challenge.
Dès le début de la semaine, l’Association des petits paysans a été confrontée à une critique : Thomas Cottier, du World Trade Institute et participant à la table ronde, a soupçonné une action qui devait renforcer une agriculture protectionniste. «Manger uniquement ce qui vient de la région n’a aucun sens», a-t-il expliqué aux personnes présentes. Ceci est particulièrement vrai à l’ère du réchauffement climatique, auquel il faut faire face en arborant des relations commerciales ouvertes. La présidente de l’Association des petits paysans, Regina Fuhrer, a réagi et a clairement indiqué qu’il s’agissait surtout d’apprendre à connaître la grande variété des produits régionaux et les gens qui les produisent : «L’objectif du Regio Challenge est de sensibiliser les consommateurs. Un lien plus fort avec notre alimentation quotidienne est important pour l’agriculture de ce pays mais aussi pour les agriculteurs du Sud.» L’Association des petits paysans n’est pas contre les relations commerciales, mais elles doivent contribuer au développement durable. Le directeur de Gebana, Adrian Wiedmer, s’est également montré satisfait de ces explications, après avoir entamé la discussion par une critique : «Le Regio Challenge demande que les gens fassent leurs achats uniquement au niveau régional. Vous allez dans la mauvaise direction. Mais si la campagne contribue à sensibiliser l’opinion publique, le bien-être des producteurs du Sud en bénéficiera également», a déclaré M. Wiedmer, conciliant.
Les clients ne savent rien
Cependant, Adrian Wiedmer a identifié un manque majeur dans la connaissance et la sensibilisation des consommateurs. «Le client est roi, mais il n’a aucune idée du commerce», a-t-il dit clairement. Ça ne peut qu’avoir des conséquences négatives. «Nous devons guider intelligemment les consommateurs, car ils attendent des idées créatives.» Des solutions créatives comme des projets d’agriculture contractuelle de proximité qui ont vu le jour au cours des dernières années. Tina Siegenthaler de la Kooperationsstelle Solawi et co-exploitante du Fondlihof est impliquée dans ce domaine. «Si un rapport à l’alimentation est établi, cela peut contribuer à faire un pas vers une production alimentaire plus durable», a déclaré Mme Siegenthaler à propos de la semaine d’action.
Volonté bien présente, transparence souvent pas
Beaucoup de gens veulent en fait consommer de façon saisonnière et locale et donner la préférence à des aliments produits de façon écologique et équitable. Malheureusement, ce n’est pas si simple dans notre système alimentaire souvent opaque et complexe et cela exige beaucoup d’engagement de la part des consommateurs. C’est ce que montre également le blog d’une participante au Regio Challenge : «Regio Challenge – Je ne suis pas morte de faim», tel est le titre – à prendre au second degré – de son bilan. En même temps, cela suggère également que les règles du Regio Challenge étaient très exigeantes. Consommer uniquement des produits régionaux pendant une semaine est un défi – en particulier si vous voulez manger quelque chose en ville ou sur le pouce, vous pouvez difficilement répondre à ces critères. En outre, les produits de la grande distribution qui sont désignés comme régionaux proviennent souvent d’une aire géographique plus large que celle requise par le Regio Challenge. Et les produits transformés répondent généralement encore moins aux critères.
Table riche grâce au pic de récolte
Ceux qui ont leur propre jardin, un magasin à la ferme varié à proximité ou qui reçoivent chaque semaine un panier de légumes ont eu de la chance. On peut donc trouver des produits frais et régionaux. D’autant plus qu’en septembre, la récolte est bonne dans les champs et jardins. « C’est merveilleux ce que cette fin d’été nous réserve comme délices », a commenté un participant. Une autre participante s’est demandé : « Comment ferions-nous en hiver? ». Pour beaucoup, s’approvisionner en produits frais n’étaient pas le plus grand défi. Mais où trouve-t-on de l’huile et du vinaigre pour une vinaigrette, ou des pâtes et du pain? Certains ont essayé la créativité et les alternatives. D’autres ont cherché des ingrédients régionaux et ont même trouvé ce qu’ils cherchaient. Souvent, cependant, avec des restrictions. Le magasin de la ferme voisine complète son offre avec des produits d’ailleurs, la farine du village est «seulement» IP et pas bio, comme l’a écrit une participante. Cela soulève la question de savoir dans quelle mesure la durabilité est régionale. Thomas Nemecek du groupe de recherche sur l’analyse des cycles de vie d’Agroscope a donné une réponse claire lors de la table ronde: «Production régionale ne signifie pas nécessairement production durable». Car la façon dont un aliment est produit contribue de manière décisive à son écobilan et a souvent un impact plus important que le transport. Il a expliqué qu’un écobilan devrait permettre de tirer le meilleur parti pour l’environnement. «Il peut ainsi arriver qu’une tomate d’Espagne ait un meilleur bilan écologique qu’une tomate suisse», a-t-il dit. Pour Regina Fuhrer, ce n’est pas la bonne approche : «Il est faux de se demander si une tomate de Suisse ou d’Espagne est plus écologique. Il existe une saison pour les tomates. La question est de savoir si nous avons besoin de tomates toute l’année.» Comme l’a dit une participante au Regio Challenge : «Ai-je vraiment besoin de cet aliment ou existe-t-il des alternatives plus durables?»
Produits d’origine animale à point critique
Une consommation durable repose sur moins de produits d’origine animale car la production de viande, d’œufs et de produits laitiers consomme trop de ressources, pollue le climat et fait souvent concurrence à l’alimentation humaine. Tous ceux qui cherchaient des produits d’origine animale conformes aux règles du Regio Challenge ont eu du mal à en trouver. « Il y a pas mal d’aliments pour animaux importés, n’est-ce pas? Malheureusement, il n’y a pratiquement pas de viande et de produits laitiers provenant d’animaux qui sont nourris exclusivement avec des aliments indigènes », a été l’une des remarques qu’on pouvait lire dans le groupe Facebook de la semaine d’action, et l’auteur de souhaiter que cet élément soit mis en lumière dans le cadre du Regio Challenge. Mais c’était exactement l’enjeu du Regio Challenge: Faites vous-même l’expérience de la provenance des aliments et de la chaîne de production et décidez-vous pour ou contre un achat en fonction de vos connaissances.
Il faut parfois être pragmatique
L’approvisionnement en nourriture pendant le Regio Challenge a demandé plus de temps qu’à l’accoutumée pour de nombreuses personnes. Que ce soit pour aller dans de nouveaux magasins à la ferme ou simplement pour discuter avec les producteurs et vendeurs de leurs produits. Comme il n’était guère possible de manger à l’extérieur, certains participants ont décidé de cuisiner davantage eux-mêmes. D’autres ont essayé de cuire leur propre pain. C’est ainsi que le Regio Challenge a aussi été mis en œuvre de manière pragmatique : « Mon pain est fait de farine régionale, mais j’ai quand même utilisé de la levure, même si elle a probablement été produite à plus de 30 kilomètres d’ici », a déclaré une participante.
Un plus pour l’environnement et la santé
Pour la première fois, l’Association des petits paysans a organisé le Regio Challenge, originaire d’Allemagne, en Suisse. Les réactions des participants montrent que la semaine fait honneur à son nom (angl. Challenge : défi). Pour certains, un grand défi, pour d’autres qui font déjà leurs courses au niveau régional et veillent à la saisonnalité des aliments ou qui ont peut-être aussi fermé les yeux de temps à autre, un plus petit. Malgré le défi, il ne s’agissait pas d’une question de privation – même si on peut se demander si on a vraiment besoin d’un aliment ou non – mais d’un pas vers une alimentation plus saine, plus sociale et plus respectueuse de l’environnemen.
Texte: Franziska Schwab. Photos: Anne Berger. Cet article est paru en allemand dans l’Ökologo 4/2019