En scène pour le changement de génération

L’Association des petits paysans a réalisé une série de cinq courts-métrages le titre «Oser le changement de génération en agriculture» sur la transmission de ferme hors cadre familial. Deux films montrent des transmissions d’exploitations réussies et trois autres brossent le portrait de jeunes à la recherche d’une ferme. Rendez-vous à Renan BE pour en savoir plus sur le tournage et sur Brice Prudat, le protagoniste jurassien.

Le ciel est couvert à la ferme Clair Vent de Renan lorsque la réalisatrice Antonia Meile et le caméraman Stephan Huwyler préparent le matériel. La lumière du matin est parfaite pour la première scène, ni trop forte ni trop faible. Selon le plan de tournage, la scène représente le « remplissage et l’étiquetage du vin de prune fait maison ». L’énoncé de la scène est clair, le jeune homme à l’image fait son travail de manière compétente et en étant concentré.

Il faut du temps pour que quelque chose se développe
Brice Prudat, à la recherche d’une exploitation agricole, travaille à la ferme de Clair Vent, qui fait partie d’une institution de vie et de travail socio-thérapeutique pour adultes (Werksiedlung Renan). Dans ce cadre, la ferme accueille des résidents qui habitent et travaillent sur place. Des vaches, des moutons, des chèvres et des porcs sont élevés à la ferme. A quoi s’ajoute dans les champs, des céréales, des cultures maraîchères et 80 arbres fruitiers haute-tige. La future ferme de Brice Prudat pourrait fortement y ressembler : diversité des cultures, diversité des gens. En tant qu’employé agricole, Prudat est responsable de l’organisation du travail à la ferme et de son exécution avec les résidents. « L’expérience que j’y acquiers me sera utile sur ma future exploitation », dit Prudat en remplissant les bouteilles avec le vin de prune qu’il a fait. Un essai parmi d’autres. Biologiste diplômé, il s’intéresse à tout ce qui concerne les fruits et leur transformation, c’est pourquoi il suit une formation continue en arboriculture. Quiconque s’intéresse aux arbres fruitiers à haute-tige doit penser à long terme. Il en va de même pour le Jurassien.

Des idées et des paroles claires
Lors de l’interview sur le balcon, Brice Prudat donne des réponses claires aux questions d’Antonia Meile. Veut-il vraiment être agriculteur, même s’il a un diplôme universitaire ? Oui, après un an dans une ferme maraîchère, il s’est rendu compte qu’il voulait faire quelque chose de ses mains : « Quand on voit pousser ses propres céréales ou légumes, c’est incroyablement satisfaisant. J’ai aussi beaucoup appris en travaillant avec les animaux. ». Plutôt acheter ou affermer un domaine ? « Je préfèrerais acheter. Il faut du temps pour qu’un arbre porte ses fruits. Evidemment, la question du financement est toujours un obstacle. J’ai la chance que ma famille soutienne mon projet, y compris financièrement », dit Prudat. Sa famille, justement, possède des terres agricoles dans le Jura. Une option? « Les terrains sont loués et la ferme, située dans le village, n’est plus utilisée pour l’agriculture. Trouver une petite exploitation à proximité, ça serait idéale, mais c’est comme gagner à la loterie ». Grâce au Point de contact de l’Association des petits paysans, il peut élargir son rayon de recherche aux autres cantons.

A midi, le temps s’éclaircit et les prises de vue se poursuivent à l’extérieur. L’automne 2018 a été très riche en fruits. Il y a beaucoup à faire dans le verger. Avec l’aide du résident Lorin et de l’apprentie Marine, dse petites poires sont récoltées pour faire de l’eau de vie et, mélangées à des pommes, du jus. « Mon but est de reprendre une ferme avec d’autres personnes, pour qu’un équilibre entre travail et loisirs soit possible », explique Prudat, en donnant une poire, brune et plus que mure, à goûter à l’équipe de tournage pendant une courte pause. « Etonnant, mais délicieux », dit la cinéaste. Le jeune agriculteur sait que cette variété ne peut être appréciée qu’après une longue période de maturation. La recherche d’une ferme prend aussi du temps – après tout, on ne reprend pas un domaine tous les jours.

La création artistique qui fait sens
L’agriculture n’est pas un terrain inconnu pour Antonia Meile, dont le père est vigneron. « Je me sens proche du monde agricole. » Durant l’été 2016, elle a travaillé pendant trois mois et demi comme aide sur un alpage avec des chèvres, la Göscheneralp, et a réalisé le film de financement participatif, Geissenparadies. Cette proximité se ressent aussi lors du tournage à la ferme, que ce soit dans l’étable où Prudat est filmé durant la traite ou plus tard avec les chèvres.

La réalisatrice, camera-woman et preneuse de son réalise outre ses propres films également des films de commande: « Pour moi, il est important de croire à la signification du film. Mes courts-métrages pour Caritas, la Fondation Contenti ou l’Association des petits paysans répondent à cette exigence. » Antonia Meile et Stephan Huwyler ont étudié tous les deux la vidéo à la Haute école spécialisée de Lucerne. Ils se sont retrouvés en 2016 lors d’un projet d’échange culturel à Shanghai durant lequel ils ont réalisé un court-métrage commun, Rising Dragon. Une bonne entente lors des tournages, c’est fondamental pour Antonia Meile. D’un geste, elle fait comprendre à Stephan Huwyler comment elle veut la scène. Ici, l’accent doit être mis sur l’expression de Prudat, son intérêt doit être visible dans le film – et déjà Huwyler adapte le zoom de la caméra.

Sensibilisation via l’entourage
La transmission de ferme hors cadre familial n’ayant pas de tradition en Suisse, il exige un engagement extraordinaire de la part de toutes les personnes concernées. Toute la famille est impliquée dans la transmission de l’exploitation – elle est souvent le moteur de la transmission et les partenaires jouent également un rôle central. Les courts métrages ont pour but de stimuler les discussions sur le changement générationnel en agriculture. Indirectement, ils ont pour but d’encourager les clients, les voisins et les parents des agriculteurs sans successeurs à aborder la question du changement générationnel. Les films fournissent également des exemples positifs – ils montrent à la génération sortante qu’il y a des jeunes bien formés et intéressés par l’agriculture qui recherchent un domaine.

Par ici pour voir les 5 courts-métrages

Cet article est paru en allemand dans l’Ökologo 1/2019

 

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