Vers le succès avec du cœur et de la persévérance

Depuis plus de quatre ans, l’Association des petits paysans accompagne le projet pilote de la paysanne bio Margrit Abderhalden. L’idée: pouvoir acheter 24 heures sur 24 des produits artisanaux dans le plus petit magasin à la ferme de la ville. En 2023, l’Alpomat se lance dans sa première année d’exploitation normale. L’heure est au bilan pour le projet pilote.

Des produits fins paysans, de la ferme à la ville : c’est ce que propose l’Alpomat de la famille Abderhalden. Photo: Christoph Kaminski

La vente directe constitue un atout important pour de nombreux paysans et paysannes, car elle présente plusieurs avantages: les productrices et producteurs obtiennent un prix équitable et une meilleure valorisation de leur travail. Les consommateurs et consommatrices reçoivent en retour des produits aussi frais et locaux que possible. Bien que de plus en plus d’exploitations pratiquent la vente directe, celle-ci reste un petit créneau et ne représente qu’environ 5 % de l’ensemble du marché en Suisse, selon les estimations de l’Union suisse des paysans. Comment les paysan·nes et les consommateur·trices pourraient-ils mieux profiter de la vente directe? Quand l’Association des petits paysans a commencé à se pencher sur la question dans un groupe de travail, il est vite apparu qu’il fallait de nouveaux canaux de vente!

Plus de reconnaissance pour les produits de la ferme

«Nos produits, dans lesquels se cachent beaucoup de travail et de passion, doivent trouver une nouvelle clientèle.» C’est la réflexion que se sont faite Margrit et Ueli Abderhalden lorsqu’ils ont troqué leur vie à l’alpage avec leurs trois enfants avec une vie dans leur propre exploitation laitière dans l’Oberland zurichois. Transformation et vente directe composaient donc leur plan à long terme. Mais pour réaliser ce rêve, Margrit et Ueli ont pris un grand risque et montré bien de la persévérance. Surtout en tant que «nouveaux» – Margrit ayant grandi dans une ferme bio dans l’Emmental, Ueli dans le Toggenburg – ils ont dû construire une bonne partir de leur réseau. «Un magasin à la ferme ne faisait pas de sens pour nous, car nous habitons loin de tout.» L’idée d’un distributeur automatique de produits de la ferme en ville n’a plus lâché Margrit.

Soutien de l’Association des petits paysans

Deux ans après avoir repris leur ferme, les Abderhalden ont eu la chance de reprendre la fromagerie Niderhuus juste à côté et dans laquelle Ueli avait été employé comme fromager. Ueli s’est alors occupé de la fromagerie, a développé de nouveaux fromages et a converti la fromagerie à la production bio en 2022. Dans le même temps, Margrit s’est consacrée à la vente directe et à son idée d’Alpomat. Une étroite collaboration a vu le jour avec l’Association des petits paysans, qui a soutenu et accompagné le projet pour une phase pilote de quatre ans. À l’automne 2018, les premiers distributeurs ont été mis en service à Zürich. Depuis lors, le réseau s’est étendu à dix distributeurs. La technique a été continuellement optimisée, et l’assortiment complété. Treize familles paysannes ont trouvé un complément de revenu grâce à l’Alpomat. Le projet a enthousiasmé la clientèle de la ville, perçu comme innovant, et a été largement médiatisé.

Pas toujours facile

Pour autant, il y a aussi eu des revers. «Dès le départ, il a fallu planifier en permanence et faire preuve de beaucoup de flexibilité et de capacité d’adaptation», se souvient Margrit. La clientèle est exigeante: elle compte sur une technique qui fonctionne, différents moyens de paiements et une réponse rapide en cas de problème. «Celles et ceux qu’on rencontre directement sont généralement très compréhensifs. Mais l’anonymat des automates rend cet échange plus difficile.» En même temps, elle a toujours essayé de se concentrer sur les retours positifs qui ont toujours dominé. «La qualité des produits a toujours été très appréciée, c’était le plus important pour moi.» Chaque fois, Margrit était ravie lorsque des personnes qu’elle ne connaissait pas encore, ont découvert sa ferme grâce à l’Alpomat, et que, depuis, elles ne se contentent pas d’acheter des produits dans le distributeur, mais viennent aussi parfois faire des achats à Gibswil.

Retour sur la phase pilote

Comment évaluer le potentiel des distributeurs automatiques de produits de la ferme en ville après quatre ans d’exploitation pilote? Une chose est sûre: Il est vrai qu’un site bien fréquenté au centre-ville est un bon point de départ pour une commercialisation directe réussie, mais rien n’est gagné d’avance. Cela demande beaucoup de travail et de patience pour que les passantes et les passants curieux deviennent des clientes et des clients réguliers. «Sur un nouveau site, les deux premières semaines se passent toujours bien, mais la difficulté est de faire revenir les premiers acheteurs», observe Margrit.  Dans l’ensemble, la sensibilisation aux produits de haute qualité, fabriqués de manière écologique et respectueuse des animaux, augmente bien, mais il a fallu relativiser certains espoirs, par exemple après le pic de la pandémie. «Nos automates ont été presque dévalisés durant les fermetures liées au coronavirus et nous avons eu du mal à les remplir», raconte Margrit. «Même si l’effet n’a été que de courte durée sur la plupart des sites, le coronavirus a peut-être contribué à augmenter le chiffre d’affaires à long terme dans certains quartiers résidentiels, car beaucoup ont découvert les distributeurs Alpomat à cette période.»

Pas à pas vers l’objectif

Tout compte fait, Margrit est convaincue que son engagement infatigable a porté ses fruits. «Nous nous rapprochons à petits pas de l’objectif d’exploiter les automates et de couvrir les frais. C’est un travail de longue haleine, mais aujourd’hui je suis sûre que nous y parviendrons!» Les chiffres donnent raison à Margrit: grâce à quelques changements d’emplacements vers des sites plus fréquentés et à des optimisations logistiques, les chiffres d’affaires augmentent d’année en année. Mais pour continuer le projet avec succès au-delà de la phase pilote, d’importants investissements sont à nouveau nécessaires. Le financement de la deuxième phase est désormais assurée grâce à un crowdfunding réussi en septembre 2022. Depuis bientôt une année, Margrit a une collaboratrice responsable de la logistique à Zürich, qui continue à faire avancer le projet. Il reste cependant encore beaucoup à faire. «Deux bons emplacements supplémentaires où nous pourrions installer les automates moins fréquentés, cela nous aiderait bien pour le moment», estime Margrit. Elle espère également que les nombreux clients et clientes régulières et enthousiastes restent fidèles aux produits régionaux de la ferme et de l’alpage et en parlent à leur entourage.

  • Cet article est paru dans le numéro 1/2023 d’Agricultura. Auteure : Patricia Mariani

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