Tout à l’ouest de notre pays se niche le sixième plus petit canton en superficie, et le deuxième le plus densément peuplé en Suisse : Genève. Pas étonnant qu’on se le représente souvent – à tort – seulement comme une ville canton. L’agriculture y joue pourtant un rôle important.
Coincé entre le lac Léman, le Salève, le Vuache et la chaîne du Jura, ce territoire exigu consacre plus du tiers de sa surface à la production alimentaire et abrite 389 exploitations agricoles. Depuis de nombreuses années, des initiatives agricoles et citoyennes, les autorités et les protecteurs de l’environnement travaillent main dans la main pour promouvoir la nature et offrir à la population des produits alimentaires locaux, de qualité et à prix abordables. On ne peut pas parler d’agriculture genevoise sans citer les Jardins de Cocagne, première initiative d’agriculture contractuelle de proximité en Europe fondée en 1978, et le cardon épineux argenté, traditionnellement consommé à Noël, unique légume suisse bénéficiant du label d’origine protégée AOP, c’est-à-dire que la production, le stockage, le blanchiment et la préparation ont lieu exclusivement à l’intérieur du canton de Genève.
Entretien avec Valentina Hemmeler Maïga, directrice générale de l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature
Anne Berger : Qu’est-ce qui caractérise l’agriculture genevoise ?
Valentina Hemmeler Maïga : C’est une agriculture très diversifiée par le nombre de cultures, les modes de production et de commercialisation. Ce monde agricole en contact permanent avec les citadins connaît des désagréments comme la pression sur les terres agricoles (constructions, infrastructures, loisirs), mais aussi des opportunités : 500 000 consommateurs à portée de main avec qui dialoguer pour faire connaître et valoriser la production locale. Cet étroit contact avec la population rend l’agriculture
genevoise très réactive aux changements sociétaux.
Quelle est l’importance de la vente directe ?
Nous sommes dans le trio de tête des cantons quant au pourcentage d’agricultrices et agriculteurs pratiquant la vente directe à la ferme (200 producteurs), caves (220 viticulteurs et 90 encaveurs),
agriculture contractuelle (14 exploitations) et, depuis quelques années, quelques fermes urbaines (5 projets) qui sont des véritables relais de l’agriculture genevoise en ville. Des lieux où se conjuguent une petite production, une commercialisation des produits de la ferme, mais aussi de ceux des collègues du canton et un espace de sensibilisation pour le grand public.
Et l’influence de la proximité des commerces français ?
Avec 95 % de nos frontières avec la France, le tourisme d’achat est une concurrence indéniable pour nos produits locaux. Avec MA-Terre (Maison de l’alimentation du territoire de Genève) et l’Office de promotion des produits agricoles genevois, nous avons réuni des acteurs des collectivités publiques et du monde associatif afin de sensibiliser divers publics aux enjeux comme l’environnement, le maintien des emplois en agriculture, la traçabilité des produits.
Portrait: Les pieds sur terreLéonie Cocquio a repris le domaine familial genevois dans lequel elle a grandi, après s’en être éloignée quelques années en suivant d’autres voies. Mais l’appel de la terre et de valeurs moins superficielles a été le plus fort. Léonie Cocquio vit désormais avec son mari et sa fille sur la ferme bâtie par son arrière-grand-père à la Petite Grave. Après avoir suivi une formation de graphiste, voyagé, travaillé dans le design horloger et habité en pleine ville, les aléas de la vie ont amené cette femme curieuse et au caractère bien trempé à prêter main-forte à son père sur l’exploitation. « Une fois le doigt pris dans l’engrenage, plus possible de se retirer », raconte-t-elle en souriant. D’abord associée, elle a ensuite repris le domaine à son nom. Ses parents sont toujours présents et aident dans l’exploitation. Sa petite sœur, pas active dans l’agriculture, vit aussi sur place. La ferme abrite donc une grande smala ! La Petite Grave se situe sur la rive gauche du Rhône, en bordure d’une zone alluviale inscrite à l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels. Comme leur nom l’indique, ces terres sont d’anciennes alluvions graveleuses. Lentilles vertes, petites bombes énergétiques Proche de la nature Cette femme créative, engagée dans différents comités et associations, ne compte pas ses heures. Si l’aide d’un homme est parfois nécessaire quand la force physique lui manque pour une tâche, elle n’a jamais souffert d’être une femme active dans ce monde agricole encore dominé par les hommes. « Les métiers basés sur le genre ne devraient plus faire partie de notre société.On devrait être libre de faire l’activité qui nous plaît ! », plaide-t-elle avec sa joie de vivre communicative. Elle savoure la satisfaction d’avoir quitté un monde basé sur le paraître, pour se plonger corps et âme dans des activités plus utiles et concrètes, en contact direct avec ce qui l’entoure. Portrait d’exploitation |
Envie de découvrir la diversité de la campagne genevoise ? Un fascicule a été publié en 2019 : « L’agriculture genevoise en quête de nature ». Et il existe de nombreuses randonnées liées au terroir genevois ou à la flore exceptionnelle, par ex. sur www.geneveterroir.ch/map ou www.flowerwalks.ch.
Cet article est paru dans le numéro 2/2020 d’Agricultura. Photos © I. & M. Flückiger, Luis Fernandez